Par Christian de Bray
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(Chapitre II)

J'étais toujours embarrassé quand je devais épeler mon nom : je ne savais comment je devais faire apparaître la particule. La plupart des gens l'écorchaient. Parfois, je le leur faisais remarquer, mais les mêmes fautes s'installaient toujours aux mêmes endroits. Pour finir, j'en avais pris mon parti.

- Petit d, e. Grand m, o, n, l, e, deux r, y.
- Tu es noble, me dit-elle, d'un air qui invitait à quelques commentaires.
- Non, dis-je, ou plutôt, si. C'est comme tu préfères. Nous l'avons été mais nous ne le sommes plus, à présent. En 1789... le monde a basculé, ma famille a été dispersée en France, en Allemagne et en Belgique. En 1914, nous nous sommes retrouvés, par la force des choses, dans des tranchés adverses ! Pour nous dire bonjour, nous avons usé de fusils et de grenades, plutôt que d'une simple poignée de mains.

Nous commencions à descendre. Au loin, nous pouvions apercevoir les sommets des montagnes. Ce devaient être les Alpes bavaroises ou je ne sais quelles Alpes. Mais, c'étaient des sommets de montagnes dont les pieds se perdaient dans la grisaille de l'atmosphère.

Plus nous perdions de l'altitude, plus nous nous rapprochions de cette plate-forme terne, de cette mer imaginaire et calme dans laquelle nous allions nous enfoncer. Il me semblait que nous descendions du ciel pour aller tout droit au purgatoire.

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