Isabelle
me regardait. Son visage ovale, les lignes très fines de son
cou, ses prunelles noires et ses mains effilées me troublaient.
Si vraiment elle me demandait une nouvelle fois de m'accompagner, allais-je
avoir le courage de refuser ?
N'étais-je
pas déjà prêt à abandonner une partie de
mes plans pour lui plaire ? Je devais laisser le temps faire son oeuvre.
Il est plus fort que nous. A quoi bon échafauder des projets
sur lesquels on n'a aucune prise ? Demain matin, il serait encore temps
de décider. On ne partage pas un voyage comme on partage un repas.
Le voyage doit se boire jusqu'à la lie.
Elle devait prendre la décision seule; la mienne était
déjà prise. Ses paroles ne m'importaient plus :
- Isabelle,
dis-je gauchement, je te trouve très belle !
- Vraiment ?
- Tu parais surprise ! D'autres doivent te l'avoir déjà
dit avant moi ?
- Oui, parfois. Souvent même. Cela me met mal à l'aise
car ces simples mots en annoncent souvent d'autres. Tu sais, il ne faut
jamais aimer une femme pour sa beauté... De toutes les illusions
de l'existence, c'est la plus grande, crois-moi ! J'ai perdu beaucoup
d'amis parce qu'ils m'ont un jour dit cela. Puis ils ont voulu aller
plus loin alors que je n'en avais pas envie.
- Quand je t'ai vue dans le train, tu lisais une revue. Je t'ai longtemps
regardée.
- Je sais, avec insistance même ! Tous les hommes sont pareils;
heureusement, nous savons baisser les yeux. Faire semblant de ne pas
voir !
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