Par Christian de Bray
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(Chapitre IV)


Isabelle me regardait. Son visage ovale, les lignes très fines de son cou, ses prunelles noires et ses mains effilées me troublaient. Si vraiment elle me demandait une nouvelle fois de m'accompagner, allais-je avoir le courage de refuser ?

N'étais-je pas déjà prêt à abandonner une partie de mes plans pour lui plaire ? Je devais laisser le temps faire son oeuvre. Il est plus fort que nous. A quoi bon échafauder des projets sur lesquels on n'a aucune prise ? Demain matin, il serait encore temps de décider. On ne partage pas un voyage comme on partage un repas. Le voyage doit se boire jusqu'à la lie.
Elle devait prendre la décision seule; la mienne était déjà prise. Ses paroles ne m'importaient plus :

- Isabelle, dis-je gauchement, je te trouve très belle !
- Vraiment ?
- Tu parais surprise ! D'autres doivent te l'avoir déjà dit avant moi ?
- Oui, parfois. Souvent même. Cela me met mal à l'aise car ces simples mots en annoncent souvent d'autres. Tu sais, il ne faut jamais aimer une femme pour sa beauté... De toutes les illusions de l'existence, c'est la plus grande, crois-moi ! J'ai perdu beaucoup d'amis parce qu'ils m'ont un jour dit cela. Puis ils ont voulu aller plus loin alors que je n'en avais pas envie.
- Quand je t'ai vue dans le train, tu lisais une revue. Je t'ai longtemps regardée.
- Je sais, avec insistance même ! Tous les hommes sont pareils; heureusement, nous savons baisser les yeux. Faire semblant de ne pas voir !

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