Par Christian de Bray
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(Chapitre 1er)

La discrétion de son maquillage, la finesse de ses lèvres, la largeur de son front, me laissaient deviner une jeune fille consistante au-delà de l'apparence.

Il y eut entre nous un silence aux contours imprécis qui transforma les kilomètres en éternité. Puis je me hasardai à lui dire :

- Nous allons bientôt arriver à la frontière allemande.

Elle ne répondit pas immédiatement, laissa un nouveau silence désagréable se creuser entre nous. Son regard semblait se perdre entre les lignes; les yeux absolument immobiles, elle était pensive. Le bruit des roues sur les voies ponctuait régulièrement le silence.

Un douanier entra, portant sous le bras une serviette de cuir noir usée.

Il demanda à Isabelle - puis-je déjà l'appeler par son prénom ? - si elle n'avait rien à déclarer. Je n'entendis pas sa réponse, car un train venant en sens inverse nous croisa. De toutes façons, quelle importance ? Aux questions des douaniers, on répond toujours la même chose, par habitude et avec un soupçon d'inquiétude : "Non, rien à déclarer".

Le douanier se tourna vers moi et me posa la même question. Levant la tête, je lui montrai mon sac à dos, posé dans le filet. Le sac était si petit, défraîchi et fatigué qu'il ne prit pas la peine d'insister. Il s'inclina et s'en alla.

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