Roman

KANAMAI

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CHAPITRE 4

Nous étions arrivés à Benghazi et devions y rester une heure. Isabelle s'était assise sur la pelouse, au pied d'un arbre.

J'allai chercher un Coca-Cola. Un arabe, aux mouvements lents, les sortit d'un frigo qui devait avoir rendu l'âme depuis longtemps. Les bouteilles étaient tièdes, le prix, exorbitant : deux dollars par bouteille. Autour de moi, des gens s'exclamaient :

- Combien ? Ca alors ! J'ai fait le tour du monde, mais je n'ai jamais vu ça.

L'arabe, derrière son comptoir, répondait, imperturbable :

- Ici, ce n'est pas un Tax Free Shop.

Comme si le fait de ne pas être un Tax Free Shop excusait ses prix !
Au plafond, un ventilateur d'avant-guerre, brassait lentement l'air très lourd de ses larges pales.

Je retournai près d'Isabelle et m'assis sur l'herbe en face d'elle.

- Excuse-moi, c'est tout ce que j'ai trouvé, il est chaud !

- Merci, Michel. Cela ne fait rien. Tu es gentil. Tu sais, je ne suis pas si difficile que cela ! Je crois que je pourrais te suivre sans me plaindre. Je suis plus résistante que je n'en ai l'air. Tu t'es fait une fausse idée de moi. Tu me crois, au moins ?

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CHAPITRE 4

- Je ne sais pas. Jusqu'à preuve du contraire, oui.

- Mon Dieu, quel scepticisme !

- Non, Isabelle, je te crois. Je lis dans tes grands yeux noirs beaucoup de courage, lui dis-je avec emphase, de la sincérité aussi. Tu rayonnes de fraîcheur et d'espérance. J'aime ta jeunesse car je sens la mienne en danger, si je ne l'ai pas déjà perdue. On s'accroche désespérément à ce que l'on doit perdre, inéluctablement...

- Michel ! Tu n'es pas seulement sceptique, mais aussi pessimiste !

- Peut-être ...

Un vent sec et chaud agitait le feuillage. Les touristes s'étaient regroupés sous les rares arbres, en attendant le départ. Des ombres dansaient sur leur visage. Il n'y avait qu'un seul avion sur le tarmac : le nôtre.

- Si je voulais t'accompagner dans ton périple, si je voulais venir avec toi, m'accepterais-tu ? Nous irions ensemble dans les petits villages. Tu m'apprendrais à endurer la fatigue, à n'avoir plus jamais peur de rien. Tu me parlerais de tes voyages, des gens que tu as rencontrés. Tu as des tas de choses à me raconter, non ?

Je restai silencieux, ne sachant que répondre. L'idée de faire ce voyage avec elle m'était venue à l'esprit, mais je l'avais bien vite rejetée. Trop de choses nous séparaient : elle aimait les grands hôtels et le confort, je recherchais l'aventure.

- Isabelle, tu ne dis pas cela sérieusement. Je ne vais pas dans les Hilton. Mon voyage sera fatigant, tu ne te reposerais pas. Je ne veux pas t'entraîner où tu ne te sentirais pas en sécurité. Il n'y a rien de plus désagréable, crois-moi, que de voyager avec quelqu'un qui ne partage pas les mêmes objectifs que les vôtres. Les miens sont tout différents des tiens, je te l'ai expliqué !
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CHAPITRE 4

- Et si je te promettais de les partager durant quatre semaines ? Si je te disais que j'ai envie de faire de ce voyage, un grand voyage. Si je te disais que j'ai envie de faire de chaque journée une grande journée. Si je te disais que j'ai envie de partager ton aventure, me croirais-tu ?- Tu as déjà payé ton voyage, on ne te remboursera pas les hôtels...
- Qu'importe, il me reste assez d'argent pour te suivre.
- J'ai toujours voyagé seul. Si tu venais avec moi, ce ne serait plus la même chose.
- Tu ne dois pas t'en faire, Michel. Je te laisserais ta liberté. Et puis, si un jour tu ne voulais plus de moi, tu n'aurais qu'à me le dire et à me chasser. Je rejoindrais ma colonie de vacances...

Je ne la croyais pas, je ne pouvais me résoudre à la croire. Elle me mettait à l'épreuve. Elle ne me connaissait pas ! Elle voulait me suivre ! Je trouvais sa proposition comique et un peu ennuyeuse. Mais était-ce commique et ennuyeux ?

Après tout, je pouvais lui répondre par l'affirmative. Des amis ou des collègues m'avaient bien des fois demandé de m'accompagner. Au moment de prendre la décision définitive, ils s'étaient toujours désistés sous quelque vague prétexte.

Construire un univers au moyen de paroles est aisé. Mais quand vient le moment de passer à l'action, on croit que tout ce que l'on a imaginé ne vaut pas l'effort. Il y a toujours ce premier pas décisif qui coûte. Un voyage de 10.000 km commence toujours par un premier pas.

Nous étions encore loin de Nairobi. Répondre à sa question n'était pas encore vraiment un engagement irréversible.

- Je suis dangereux, tu sais, Isabelle !
- Ca ne fait rien, je sais me défendre, mais je sais placer ma confiance. je me placerais volontiers sous ta protection, sans aucune crainte. Mon intuition me dit que tu es un type bien; ai-je tort ?

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CHAPITRE 4

- Il y a des types qui sont bien dans un Boeing 707 mais qui deviennent lâches devant le danger. Il y a la façade et il y a l'inté- rieur, il suffit d'un peu d'entraînement. Il n'y a même pas vingt-quatre heures que nous nous sommes rencontrés !
- Ce n'est pas le nombre d'heures qui compte dans une vie, mais ce que chaque seconde apporte ou reprend.
- Je ne t'ai rien apporté, ni repris.
- Si, tu m'as apporté un espoir... qui s'est installé en moi... qui a grandi... celui de partager ton voyage.
- Un espoir fou qui te dévore, dis-je, ironique.
- Non, je n'en ai jamais connu de semblables, Dieu m'en préserve !

Le cordon ombilical qui reliait l'avion au camion citerne avait été décroché. Un arabe en djellaba, prit place au volant. La chaleur se mesurait à ses mouvements amples et lents.

 

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