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                   Elle me regarda un moment, 
                    puis détourna ses grands yeux noirs vers l'extérieur. 
                  J'épiai son profil : le nez était court, très 
                    droit. Les lèvres, bien marquées, étaient 
                    légèrement entrouvertes. D'une main, elle rejeta 
                    en arrière ses longs cheveux noirs, méticuleusement 
                    séparés par une raie qui aboutissait au milieu 
                    de son large front. Elle portait un pantalon bleu marine et 
                    un chemisier de soie blanche, qui creusait un V sur un foulard 
                    bleu clair. 
                  Nos regards se rencontrèrent : 
                  - Nous roulons si lentement, dit-elle. Savez-vous pourquoi 
                    ? 
                  Bien que son français soit excellent, son accent me 
                    confirma son origine. 
                  Le train avait ralenti son allure, en effet, mais je ne m'en 
                    étais pas aperçu. 
                  - Je ne sais pas. Il doit probablement y avoir des travaux 
                    sur la voie, lui répondis-je. 
                  Elle avait ouvert le dialogue. J'enchaînai et lui posai 
                    une question. Une de ces questions banales dans lesquelles 
                    on introduit déjà, au hasard, un élément 
                    de réponse, pour ne pas paraître trop indiscret. 
                  - Vous allez à Munich, sans doute ? 
                    - Non, je vais à Francfort, répondit-elle assez 
                    sèchement. 
                    - Ah ! Vous aussi ! dis-je. Nous avons donc quatre heures 
                    à passer ensemble... 
                  Prise de gêne et peut-être pour marquer la fin 
                    de notre conversation, elle ouvrit une revue. Elle la feuilletait 
                    rapidement, m'épiant de temps à autre, en évitant 
                    de croiser mon regard.   |