J'ai retrouvé une de très ancienne lettre de mon Père. Et voici la superbe interprétation de Christine.
Papa m'a confié récemment le brouillon jauni d'une lettre adressée aux parents de Maman. Il n'était pas daté. Mais un petit (s) entre parenthèses après le mot « enfant », me laisse penser que c'était après le 8 février 1967, et avant le 18 juin 1970. C'était donc il y un peu plus de 50 ans.
« J'espère » concluait Papa« que nous resterons toujours intimement unis, vous et nous, Claudine et moi. Car j'ai senti durant toute ma jeunesse combien les conflits étaient douloureux et destructeurs. J'aurai, je vous assure, beaucoup de joie à donner à nos enfant(s) ce que moi je n'ai parfois pas su recevoir. J'espère que nous saurons construire un foyer solide que les impasses de la vie ne sauront détruire.»
Peu avant de venir ici, je parcourais ma galerie photos : 37.404 exactement. J'y ai vu des photos d'une Maman qui bien que discrète, est toujours de la partie : sous tente à l'autre bout du monde, debout à côté d'un camion embourbé dans un fossé, une sardine dégoulinante à la main pour préparer une des fêtes mémorables d'Abolens… J'y ai vu des photos d'un frère et une sœur complices, sur toutes les côtes de Bretagne et crêtes du Jura, pataugeant dans la boue du jardin, hilares en travaillant à la serre… J'y ai vu Antoine et Julie toujours pétillants. Madeleine et Romain, toujours si complices…J'y ai vu Michel, penché sur le camion à côté de Papa à travers les décennies. Il a pris la relève et trouvé la clé- je parle de la mythique clé de 17. Au fil de ces images, j'ai encore vu ce petit faire ses premiers pas accrochés aux deux doigts de sa Mamy. Une douche nature, capturée du haut du camion par un frère espiègle. Ou inversement un grand fada courir à poil en plein champs sous un arrosage automatique.
Mais il y a aussi tous ces petits gestes ou ces petits instants du quotidien qui échappent aux photographes. Un gros plan manqué sur cette main burinée qui cherche sans cesse la cuisse de Mamy Clo dans un geste affectueux. Ces coups de fil qu'il faut absolument donner à Vroum-Vroum chaque soir quand Mamy est partie durant 5 jours. Ces séances de chatouilles entre frères et sœurs le soir pour se détendre après une journée d'études. les petits textos d'un neveu pour annoncer lui-même une bonne nouvelle à sa tante. Les petits plats que nous préparent à présent nos enfants. Les petits mots de félicitations ou d'encouragement sur le groupe famille… Les poivrons farcis, les soupes ou les Weks portés par une douce coursière.
Alors je me dis que, oui, Maman et Papa, vous avez réussi à créer un foyer solide. Un « clan » même, comme en témoignent certains de nos amis. Un demi-siècle plus tard, en lisant ces mots tracés d'une écriture incertaine, ces vœux formulés par un tout jeune homme à une toute jeune fille et ses parents, je me dis que, oui, ils se sont réalisés. Nos enfants ont à présent l'âge que vous aviez alors. Avec Laurent, Bryan, Marie, Marina, le clan s'est aussi agrandi de fort belles personnes qui nous aiment et nous soutiennent. Alors c'est à mon tour, pour reprendre exactement tes mots dans cette lettre, Papa, de vous dire : « Je vous écris pour vous remercier de tout ce que vous avez fait pour nous. (…) Je vous remercie de tout cœur. Je vous embrasse bien fort.»
|