Quand je fermais les yeux, ils renaissaient plusieurs fois sous mes
paupières closes. Les éclairs traçaient des lignes
fulgurantes, sabrant le ciel.
- Tout
à l'heure, tu m'as dit que tu étais fils unique, Michel.
Aurais-tu aimé avoir un frère ?
- Oui, peut-être. J'aurais préféré avoir
une soeur ou les deux. Après tout, pourquoi pas ? Cela m'a beaucoup
manqué. Nous aurions pu découvrir le monde ensemble, errer
sur les plages immenses. Rêver sur le sable infini. Voguer sur
les eaux insondables. Aller partout où l'on voit, le soir, le
soleil sombrer sur la ligne pure de l'horizon. J'ai souvent cherché,
au travers des autres, ce que je ne pouvais atteindre seul.
- Sartre a dit que "les autres", c'est "l'enfer".
Ne crois-tu pas que c'est un peu vrai ?
- Très partiellement, oui. Ou plutôt, non. Je dirais que,
dans les autres, il y a parfois un peu d'enfer. Dans tout être,
il y a du bon et du mauvais. Je ne hais que les médiocres qui
n'on ni ciel, ni enfer en eux. Ceux qui n'ont rien à dire, rien
à expliquer, exceptée la monotonie qui les ronge et qui
rend la vie insupportable à leurs yeux.
Ils sont tellement nombreux qu'ils m'étouffent. As-tu déjà
essayé d'avoir une conversation sérieuse avec quelqu'un
?
- C'est terriblement difficile, je sais.
- Oui, dis-je. Je ressens vraiment un besoin de dialogue. Le besoin
d'aller plus loin.
Je peux être noyé dans un groupe et me sentir tellement
seul qu'il me vient l'envie de pleurer. Les gens parlent pour meubler
des silences. Ils ne parlent pas pour exprimer des idées mais
pour "dire quelque chose", pour remplir un vide qui leur fait
peur.
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