Par Christian de Bray
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(Chapitre III)


Quand je fermais les yeux, ils renaissaient plusieurs fois sous mes paupières closes. Les éclairs traçaient des lignes fulgurantes, sabrant le ciel.

- Tout à l'heure, tu m'as dit que tu étais fils unique, Michel. Aurais-tu aimé avoir un frère ?
- Oui, peut-être. J'aurais préféré avoir une soeur ou les deux. Après tout, pourquoi pas ? Cela m'a beaucoup manqué. Nous aurions pu découvrir le monde ensemble, errer sur les plages immenses. Rêver sur le sable infini. Voguer sur les eaux insondables. Aller partout où l'on voit, le soir, le soleil sombrer sur la ligne pure de l'horizon. J'ai souvent cherché, au travers des autres, ce que je ne pouvais atteindre seul.
- Sartre a dit que "les autres", c'est "l'enfer". Ne crois-tu pas que c'est un peu vrai ?
- Très partiellement, oui. Ou plutôt, non. Je dirais que, dans les autres, il y a parfois un peu d'enfer. Dans tout être, il y a du bon et du mauvais. Je ne hais que les médiocres qui n'on ni ciel, ni enfer en eux. Ceux qui n'ont rien à dire, rien à expliquer, exceptée la monotonie qui les ronge et qui rend la vie insupportable à leurs yeux.
Ils sont tellement nombreux qu'ils m'étouffent. As-tu déjà essayé d'avoir une conversation sérieuse avec quelqu'un ?
- C'est terriblement difficile, je sais.
- Oui, dis-je. Je ressens vraiment un besoin de dialogue. Le besoin d'aller plus loin.
Je peux être noyé dans un groupe et me sentir tellement seul qu'il me vient l'envie de pleurer. Les gens parlent pour meubler des silences. Ils ne parlent pas pour exprimer des idées mais pour "dire quelque chose", pour remplir un vide qui leur fait peur.

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