Par Christian de Bray
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(Chapitre III)


La plupart des gens n'ont rien à dire, rien d'intéressant du moins. Ils ont cessé de chercher. Plus aucun soleil ne les éclaire, ne les dévore. Mais, quand on cesse de chercher, que reste-t-il ?
- Que cherches-tu, Michel ? Crois-tu vraiment qu'il y ait quelque chose à chercher dans cet univers tourmenté ? Je me fais l'avocat du diable; je te dirai après ce que je pense. Que recherches-tu ?
- C'est probablement là une des questions à laquelle aucun être ne peut répondre. Nous passons tous à chaque instant au travers de ce que nous cherchons, sans nous en rendre compte. Je cherche ce qui pousse la vie vers l'éternité, ce qui agite ma conscience. Je me demande pourquoi je suis ici en cet instant plutôt qu'ailleurs. Ce qui nous entoure est tellement confus, tellement inarticulé.
L'univers est si vaste et l'intelligence, infirme face à cet univers qui nous serre dans ses poings. Il me vient parfois à l'esprit l'image d'un solide garçon qui tient dans ses mains un oisillon venant de naître. Il risque de l'étouffer. Nous sommes tous cet être chétif que la vie étreint. Même quand nous nous sentons forts.
- Mais, Michel, la vie est belle et vaut la peine d'être vécue. Elle vaut la peine que l'on se batte pour elle.
- Oui, peut-être, mais j'ai vu la misère dans les slams de Bombay, la faim peinte sur des visages d'enfants. Cela m'a touché profondément. Je me rappelle une scène de Bombay : une jeune femme allaitait son enfant. Elle était couchée sur le trottoir, à moitié dévêtue. Des mouches recouvraient ses seins flasques. Deux moignons lui tenaient lieu de bras.

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