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           Un policier 
          la regardait, indifférent. Elle était squelettique et 
          son enfant, couché sur elle, adorable. Cette scène a jeté 
          un doute en moi. Elle a dressé un immense point d'interrogation 
          dans ma vie. Elle a laissé une marque que le temps ne pourra 
          jamais effacer vraiment. 
          - Oui, répondit-elle, je comprends. 
          - Quand on n'a pas vu, dis-je presque fâché, on peut comprendre. 
          Mais, lorsqu'on a été confronté à cette 
          réalité, on ne peut plus comprendre, on ne peut plus oublier. 
          Je me suis promené dans des bourbiers dégueulasses et 
          parmi des taudis à Calcutta. Les gens nous regardaient avec hostilité. 
          Nous étions gênés d'être des humains; d'être 
          là comme des voyeurs, en somme. J'ai vomi dans une ruelle tellement 
          les odeurs de pourriture étaient fortes, prenantes. Tu trouves 
          cela normal, peut-être ? 
          - Toute l'Inde n'est quand même pas comme cela ? 
          - Non, l'Inde à cent visages, comme tout pays a cent visages. 
          Il y a l'Inde sacrée et parfumée au bois de santal, l'Inde 
          des petits villages perdus dans la campagne, mais aussi l'Inde des grandes 
          villes... et tout cela est si différent. 
        Elle m'écoutait 
          avec attention en me regardant de biais au-dessus de ses grandes lunettes 
          solaires qui reposaient très bas sur son nez. Cela lui donnait 
          un air académique. J'avais l'impression de passer je ne sais 
          quel examen sur le développement. Allais-je être "recalé" 
          ou passer avec "distinction" ? 
        - Ce qui 
          m'intéresse, dit-elle, c'est ce que tu as cherché, ce 
          que tu as trouvé. 
           
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