Par Christian de Bray
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(Chapitre III)


Tu as fait une digression.
- J'adore les digressions, dis-je pour m'excuser. L'important, c'est l'accessoire. Quand j'étais étudiant, j'en usais et j'en abusais. Je m'égarais même parfois, et devais demander aux professeurs qu'ils répètent leur question, car je l'oubliais en cours de route. Cela ne m'empêchait pas d'avoir de bonnes notes.
- Je crois que tu devais être un bon étudiant. Tu es un intellectuel. Les intellectuels se posent toujours des questions auxquelles ils ne peuvent, d'ailleurs, jamais répondre.
- L'important, ce sont les questions que l'on se pose, non les réponses, dis-je. De ceux qui ont toujours réponse à tout, je me méfie; car trop de réponses sont creuses. Les mots ronflants et les longues phrases ne contiennent souvent que bien peu de chose. On est toujours plus près de la vérité en disant qu'on ignore.
La vérité est silence et méditation, elle est recherche des autres et de soi-même. Ce que je cherche ne m'apparaît pas encore clairement. Je cherche, c'est tout.
Ce qui me fascine le plus, c'est l'intelligence. Après avoir entendu une conférence, un exposé fait par un homme brillant, ou après avoir lu un livre intéressant, je me sens souvent découragé, insignifiant. Je mesure ce qui me reste à apprendre. Ce que j'ignore est tellement plus vaste que ce que je sais.
Un homme croit détenir la vérité avec d'autant plus d'assurance qu'il est médiocre. Je connais des gens d'une cinquantaine d'années, qui se disent universitaires, mais qui n'ont plus ouvert un livre concernant leur profession depuis des années.

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