Par Christian de Bray
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(Chapitre III)


Ils lisent les faits divers quotidiennement, recherchent dans les journaux du 1er avril la farce qui doit nécessairement s'y trouver, résolvent des rébus. Ce sont des gens qui ne regardent la télévision que pour se "divertir", qui ne lisent pas de livres parce que "c'est trop fatigant".
- L'univers ne leur appartient pas, Michel. Pourquoi te dérangent-ils ? Laisse-les faire ce qu'ils veulent, après tout.
- Oui, Isabelle, mais nous sommes jugés continuellement par des gens comme cela.
- Qu'importe, me répondit-elle en haussant les épaules. Ce ne sont pas les bourgeois qui doivent t'empêcher de te laisser pousser cheveux et barbe. Tu es libre, et cette liberté doit te servir à épouser la vie. La vie est simple.
Le bonheur est fait de petites choses prises dans les instants qui passent. Il est fait du bruit d'une vague et du chant d'un oiseau qui se mêlent, d'une rencontre fortuite sur une plage déserte. Il est fait d'une lumière et d'une ombre. Il est fait de ces éléments que l'on juxtapose. J'aime le sang qui coule dans mes veines. J'aime mes désirs et mes plaisirs. J'aime l'enfance quand elle est encore tendre. J'aime tout ce qui passe et que je peux sentir, goûter, appréhender...
- Je te croyais très réservée et très classique, Isabelle !
- Oui, dit-elle, en apparence. Mais au fond de moi il n'y a que noeuds qui se font et se défont. Je me pose aussi des questions, mais je ne veux pas, comme toi, me laisser submerger par le doute. Je ne pense à des choses sérieuses que de temps en temps, puis j'oublie, en aimant la vie . La richesse s'est toujours servie de la pauvreté. Les classes dirigeantes ont toujours exploité leurs sujets.

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