Roman

KANAMAI

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CHAPITRE 19

Nous arrivâmes au parc Murchinson le lendemain midi. J'avais conduit durant quatre heures. J'avais mal au dos et au cou. Nous réservâmes des places sur le bateau qui, l'après-midi, remonterait le fleuve.

Andréa nous avait recommandé cette excursion. Comme il nous restait deux heures avant le départ, nous laissâmes la voiture dans le parking gardé et allâmes manger dans un hôtel pour touristes américains. Après le déjeuner, nous prîmes le thé sur la terrasse.

Sur la margelle d'un puits, de grands oiseaux faisaient la sieste en se tenant en équilibre sur une patte. Isabelle s'était changée en hâte dans la voiture. Le col de son chemisier était froissé et cela la gênait.

Nous n'avions pas eu beaucoup de temps à consacrer à la lessive, ces derniers jours. Dans nos sacs, notre linge avait pris une odeur de renfermé. J'avais été obligé de remettre mon pantalon kaki et la veste qui, roulée en boule, m'avaient servi d'oreiller la veille. Sybille et Jochen étaient logés à la même enseigne. Isabelle enviait peut-être les femmes qui se promenaient dans les allées, fraîchement vêtues de cotonnades légères.

A deux heures moins le quart, nous allâmes vers le bateau et prîmes place à l'avant. La remontée du fleuve fut extraordinaire. Les hippopotames sortaient de l'eau à notre approche ; les crocodiles que nous surprenions dans leur sommeil, se laissaient tomber dans les flots. Nous dépassâmes un éléphant qui se baignait.

Nous étions fascinés par les crocodiles qui se reposaient sur les bancs de sable, la gueule grande ouverte. Nous vîmes également des singes, des phacochères, des girafes et des buffles noirs qui venaient s'abreuver.

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CHAPITRE 19

On entendait le clapotis des vagues sur les berges et le bruit des herbes que la brise agitait. Je pris quelques photos d'arbres pleurant sur la rivière, une photo d'Isabelle rejetant ses cheveux noirs en arrière, puis je refermai mon appareil, me sentant démuni devant cette nature sauvage, insaisissable. Des photos ne pourraient jamais me faire revivre ces paysages. Murchinson restera pour moi inoubliable.

Nous logeâmes à l'auberge de jeunesse. Jochen m'éveilla à cinq heures et, laissant dormir les filles, nous allâmes jusqu'à la rivière, près de l'embarcadère. Quelques hippopotames y faisaient leurs ablutions matinales. Leurs petites oreilles pointaient hors de l'eau et de longs gargouillements suintaient de leur museau qui émergeait à peine, provoquant des cercles concentriques qui s'élargissaient avant de disparaître. Quand une branche craquait sous nos pieds, les têtes disparaissaient, pour réapparaître un peu plus loin, quelques minutes plus tard.

Le soleil ne s'était pas encore levé, mais le ciel était déjà illuminé de lueurs orangées et violettes, semblant venir d'un gouffre très profond, au-delà des arbres, dans lequel un gigantesque bûcher se serait embrasé. Puis il y eut une tache de sang presque ronde, qui monta à travers les feuillages, très lentement, et qui flotta sur l'horizon emprisonné de brume.

Je fumai une cigarette aux côtés de Jochen. Cette journée, nous la vivrions davantage pour l'avoir vue naître depuis cette berge. C'était comme si nous nous étions partagés un trésor.

Nous décidâmes de rentrer à Kampala et dépassâmes Nakasongola vers la fin de la matinée.

Andréa attendait notre retour. Jochen lui expliqua notre périple dans ses menus détails. Isabelle prit un bain bien mérité. J'écrivis quelques cartes : une à ma secrétaire, une à mon directeur et quelques autres encore à différents amis que j'avais rencontrés au cours de mes voyages précédents. A chacun d'eux, je rappelais une aventure que nous avions partagée.

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CHAPITRE 19

Le soir, nous allâmes à l'université de Kampala, au Makerere Campus. Quelques danses folkloriques égayèrent la soirée. Un discours fut prononcé par le ministre de la culture. Il fit l'éloge d'une poignée de professeurs étrangers qui quittaient l'université pour rentrer dans leur pays, après une longue carrière consacrée à l'enseignement.

Andréa nous présenta au ministre. Il nous serra la main et nous posa quelques questions, par politesse plus que par réel intérêt.

La soirée se termina dans la chambre d'Andréa, autour de deux bouteilles de bordeaux et de quelques gâteaux. Nous sentions que la perspective du départ l'attristait.

- Et alors, me demanda Jochen, "tomorrow, what shall we do" ?
- "We go", action, action, action, répondis-je. Nous prenons le bus et allons à Mombasa. Vous êtes d'accord ?

Personne ne répondit.

Nous ne quittâmes Kampala que trois jours plus tard.

Nous savions que Mombasa serait, en quelque sorte, l'aboutissement de notre voyage; qu'après, tout irait très vite, beaucoup trop vite. Il ne nous resterait plus qu'à faire nos comptes et échanger nos adresses.

Un bus nous emmena de Kampala à Mombasa. Le voyage fut long et pénible. La chaleur devint accablante quand nous traversions le parc Tsavo. Nous tombâmes en panne à la sortie du parc. Nous dûmes attendre, sous un soleil de plomb, pendant près de cinq heures.

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CHAPITRE 19

Parfois, me dit le mécanicien avec le sourire, ça prend deux jours pour être dépanné. On répare toujours sur place. Il tenait à la main une petite pièce pleine de cambouis, provenant de je ne sais quelle partie du moteur. C'est une chance d'avoir trouvé la pièce.

Un bus de la même compagnie, venant de Mombasa, fit une halte de courtoisie. Nous parlâmes à deux étudiants belges. Ils nous conseillèrent une petite plage à trente kilomètres de Mombasa. Sur la route de Malindi, au croisement d'un petit chemin, une plaque indiquerait la direction de l'hôtel Wispering Palms. Vous retiendrez ? Il y avait là, un peu plus loin, dans une cocoteraie, un petit hôtel très bon marché mais confortable, tenu par des étudiants étrangers. Je notai le nom de la plage : Kanamaï.

Nous logeâmes deux nuits à Mombasa. Nous allâmes visiter Fort Jesus. Nous passâmes un après-midi à faire du shopping et à marchander quelques dents et griffes de lions. Nous avions rapporté à l'hôtel, dans de grands sacs de papier brun, des victuailles destinées à notre dernière étape.

Je ne sais pourquoi, je m'imaginais Kanamaï comme un endroit que je devrais vaincre.

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