Voyager, c'est se déployer dans l'espace et dans le
temps. C'est tresser, brin par brin, au hasard des rencontres,
des liens entre les hommes. C'est s'enchaîner à
des fils imaginaires qui continuent à nous agiter alors
que, déjà, nous sommes retournés au quotidien.
Le manège fait ses tours, nous enchante, puis nous
ramène où nous sommes partis. Et quand le silence
revient, nous nous apercevons avec inquiétude que nous
avons changé. Après n'est plus comme avant.
Nous jetons des ponts sur l'horizon qui, sitôt franchis,
ne nous permettent plus de revenir en arrière, en nous-mêmes,
et de nous retrouver tels que nous étions.
Si je te quitte, Isabelle, je veux que tu continues à
vivre comme si je n'avais jamais existé. Aucune ombre
ne peut venir ternir ton sourire. Aucune ride, se poser sur
ton visage. Et, qu'à ceux qui te diront : "Mon
Dieu, comme c'est triste, tu l'aimais tellement", tu
répondes : "Je n'ai que faire de votre pitié,
gardez-la pour vous".
Derrière le navire, le sillage s'efface, la cicatrice
écumeuse s'évanouit, l'eau retrouve sa couleur,
les vagues, leur ampleur.
Le voyage est généreux, il donne, mais il lui
arrive d'être exigeant alors, il reprend, il arrache...
Dans chaque instant de l'existence, nous nous sentons naître,
ou nous nous sentons mourir. Qu'importe. L'essentiel est de
vivre, et puis d'oublier...
Oublier surtout !
Le seul véritable voyage est le voyage que l'on fait
pour soi-même et en soi-même. Mais après
tout, pourquoi écrire cela, puisque c'est un mensonge
!
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