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C'est vrai, Isabelle. Je te confie aujourd'hui ma faiblesse.
Je crois que je ne pourrais être plus heureux qu'en
ce jour, car je n'appartiens vraiment à personne. Ni
cette plage, ni tes bras, ni ce ciel étoilé
ne pourraient m'ancrer. Quand j'étais enfant, j'étais
plongé dans la nature. Elle a imbibé toutes
les fibres de mon être. Aujourd'hui, je la sens encore
vivre en moi, et j'aime lui laisser reprendre le dessus. Chaque
fois que j'en ai l'occasion. Je suis venu la retrouver en
ces lieux. J'ai cru qu'en t'emmenant avec moi, quelque chose
d'inédit se mêlerait à mon périple,
mais j'ai été égoïste. Je t'ai apporté
inquiétude, tristesse et désolation. J'ai été
heureux avec toi, mais il me semble que mon bonheur s'est
construit à tes dépens.
- Ne crois pas cela, Michel !
- Si, Isabelle, c'est pourtant la vérité. Je
me suis imposé à toi, je me suis servi de toi.
Ce soir, je me sens mal dans ma peau. Tu ne méritais
pas cela.
Isabelle se rapprocha de moi. Je voyais ses yeux, plus noirs
qu'en plein jour, scruter mon visage. Je voyais ses cheveux
tomber sur ses épaules.
Il y eut quelques cris d'oiseaux troublant le profond silence
de la nuit, un faisceau de lumière éclairant
le bord de la mer, une main qui caressa mon visage. Et puis
des mots, des phrases et des souvenirs qui auraient dû
nous unir davantage, mais qui nous éloignaient, au
contraire.
J'étais seul et je resterais seul, noyé dans
la foule. Un drame se jouait en nous comme il s'en joue dans
le coeur de tout homme. Je voulais créer le silence
pour l'écouter et le laisser retentir. Mais cette plage,
ces ombres mouvantes, la présence d'Isabelle, me torturaient.
- Isabelle, où vas-tu après Francfort ?
- J'ai quelques amis à voir à Londres, puis
je rentrerai à Omaha. J'ai du travail qui m'attend.
- Tu ne viendras pas à Bruxelles ?
- Non, pourquoi ?
- Nous pourrions être ensemble encore quelques jours.
- Tu dis cela, Michel, mais si je te disais oui, tu serais
ennuyé, n'est-ce pas ?
- Non, je ne crois pas.
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