Roman

KANAMAI

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CHAPITRE 3

- Tu vois quelque chose, Isabelle ?

- Non, seulement des nuages et de la grisaille à perte de vue. Des Alpes, je ne vois que quelques sommets qui flottent sur un horizon laiteux. "Nous avons marché lourdement dans ce marécage bleu noyé de brume..."

- Vous déformez St. Exupéry, dis-je. Il a écrit : "Nous avons marché lourdement dans ce marécage bleu déjà noyé de nuit, nous avons remué cette vase tranquille..."

- Oui, je sais, dit-elle, mais j'adapte sa phrase au paysage. Et puis, nous avons décidé de nous tutoyer, l'as-tu déjà oublié ?

- Non, Isabelle, je ne l'ai pas oublié.

- Tu aimes donc tellement St. Exupéry ?

- Pas spécialement, je ne l'ai lu que très partiellement. J'aime surtout son "Petit Prince".

- Moi aussi. Tu lis beaucoup ?

- Oui, énormément, et cela te fera certainement plaisir, j'aime les auteurs anglo-américains : Hemingway et Steinbeck, tout spécialement, ainsi que Graham Green et Somerset Maugham. J'aime beaucoup Maugham, le climat qu'il crée dans ses nouvelles, l'atmosphère générale qui règne dans son oeuvre. J'ai aussi beaucoup aimé Romain Gary pour son humour et cette quête qu'il n'a jamais cessé de poursuivre. Cette quête de la femme mythique... La femme "autre" que celle qui nous est donnée.

Nous volions haut au-dessus de flocons blancs. D'une colonne de nuages, très sombres, dressée dans le lointain, jaillissaient de longs éclairs silencieux. Quand je fermais les yeux, ils renaissaient plusieurs fois sous mes paupières closes. Les éclairs traçaient des lignes fulgurantes, sabrant le ciel.

- Tout à l'heure, tu m'as dit que tu étais fils unique, Michel. Aurais-tu aimé avoir un frère ?

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CHAPITRE 3

- Oui, peut-être. J'aurais préféré avoir une soeur ou les deux. Après tout, pourquoi pas ? Cela m'a beaucoup manqué. Nous aurions pu découvrir le monde ensemble, errer sur les plages immenses.
Rêver sur le sable infini. Voguer sur les eaux insondables.
Aller partout où l'on voit, le soir, le soleil sombrer sur la ligne pure de l'horizon.
J'ai souvent cherché, au travers des autres, ce que je ne pouvais atteindre seul.

- Sartre a dit que "les autres", c'est "l'enfer". Ne crois-tu pas que c'est un peu vrai ?

- Très partiellement, oui. Ou plutôt, non. Je dirais que, dans les autres, il y a parfois un peu d'enfer.Dans tout être, il y a du bon et du mauvais. Je ne hais que les médiocres qui n'on ni ciel, ni enfer en eux. Ceux qui n'ont rien à dire, rien à expliquer, exceptée la monotonie qui les ronge et qui rend la vie insupportable à leurs yeux.
Ils sont tellement nombreux qu'ils m'étouffent. As-tu déjà essayé d'avoir une conversation sérieuse avec quelqu'un ?

- C'est terriblement difficile, je sais.

- Oui, dis-je. Je ressens vraiment un besoin de dialogue. Le besoin d'aller plus loin.

Je peux être noyé dans un groupe et me sentir tellement seul qu'il me vient l'envie de pleurer. Les gens parlent pour meubler des silences. Ils ne parlent pas pour exprimer des idées mais pour "dire quelque chose", pour remplir un vide qui leur fait peur. La plupart des gens n'ont rien à dire, rien d'intéressant du moins. Ils ont cessé de chercher. Plus aucun soleil ne les éclaire, ne les dévore. Mais, quand on cesse de chercher, que reste-t-il ?

- Que cherches-tu, Michel ? Crois-tu vraiment qu'il y ait quelque chose à chercher dans cet univers tourmenté ? Je me fais l'avocat du diable; je te dirai après ce que je pense. Que recherches-tu ?

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CHAPITRE 3

- C'est probablement là une des questions à laquelle aucun être ne peut répondre. Nous passons tous à chaque instant au travers de ce que nous cherchons, sans nous en rendre compte. Je cherche ce qui pousse la vie vers l'éternité, ce qui agite ma conscience. Je me demande pourquoi je suis ici en cet instant plutôt qu'ailleurs. Ce qui nous entoure est tellement confus, tellement inarticulé.

L'univers est si vaste et l'intelligence, infirme face à cet univers qui nous serre dans ses poings. Il me vient parfois à l'esprit l'image d'un solide garçon qui tient dans ses mains un oisillon venant de naître. Il risque de l'étouffer. Nous sommes tous cet être chétif que la vie étreint. Même quand nous nous sentons forts.

- Mais, Michel, la vie est belle et vaut la peine d'être vécue. Elle vaut la peine que l'on se batte pour elle.

- Oui, peut-être, mais j'ai vu la misère dans les slams de Bombay, la faim peinte sur des visages d'enfants. Cela m'a touché profondément. Je me rappelle une scène de Bombay : une jeune femme allaitait son enfant. Elle était couchée sur le trottoir, à moitié dévêtue. Des mouches recouvraient ses seins flasques. Deux moignons lui tenaient lieu de bras. Un policier la regardait, indifférent. Elle était squelettique et son enfant, couché sur elle, adorable. Cette scène a jeté un doute en moi. Elle a dressé un immense point d'interrogation dans ma vie. Elle a laissé une marque que le temps ne pourra jamais effacer vraiment.

- Oui, répondit-elle, je comprends.

- Quand on n'a pas vu, dis-je presque fâché, on peut comprendre. Mais, lorsqu'on a été confronté à cette réalité, on ne peut plus comprendre, on ne peut plus oublier. Je me suis promené dans des bourbiers dégueulasses et parmi des taudis à Calcutta. Les gens nous regardaient avec hostilité. Nous étions gênés d'être des humains; d'être là comme des voyeurs, en somme. J'ai vomi dans une ruelle tellement les odeurs de pourriture étaient fortes, prenantes. Tu trouves cela normal, peut-être ?

- Toute l'Inde n'est quand même pas comme cela ?

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CHAPITRE 3

- Non, l'Inde à cent visages, comme tout pays a cent visages. Il y a l'Inde sacrée et parfumée au bois de santal, l'Inde des petits villages perdus dans la campagne, mais aussi l'Inde des grandes villes... et tout cela est si différent.

Elle m'écoutait avec attention en me regardant de biais au-dessus de ses grandes lunettes solaires qui reposaient très bas sur son nez. Cela lui donnait un air académique. J'avais l'impression de passer je ne sais quel examen sur le développement. Allais-je être "recalé" ou passer avec "distinction" ?

- Ce qui m'intéresse, dit-elle, c'est ce que tu as cherché, ce que tu as trouvé. Tu as fait une digression.

- J'adore les digressions, dis-je pour m'excuser. L'important, c'est l'accessoire. Quand j'étais étudiant, j'en usais et j'en abusais. Je m'égarais même parfois, et devais demander aux professeurs qu'ils répètent leur question, car je l'oubliais en cours de route. Cela ne m'empêchait pas d'avoir de bonnes notes.

- Je crois que tu devais être un bon étudiant. Tu es un intellectuel. Les intellectuels se posent toujours des questions auxquelles ils ne peuvent, d'ailleurs, jamais répondre.

- L'important, ce sont les questions que l'on se pose, non les réponses, dis-je. De ceux qui ont toujours réponse à tout, je me méfie; car trop de réponses sont creuses. Les mots ronflants et les longues phrases ne contiennent souvent que bien peu de chose. On est toujours plus près de la vérité en disant qu'on ignore.
La vérité est silence et méditation, elle est recherche des autres et de soi-même.
Ce que je cherche ne m'apparaît pas encore clairement. Je cherche, c'est tout.
Ce qui me fascine le plus, c'est l'intelligence.
Après avoir entendu une conférence, un exposé fait par un homme brillant, ou après avoir lu un livre intéressant, je me sens souvent découragé, insignifiant. Je mesure ce qui me reste à apprendre.
Ce que j'ignore est tellement plus vaste que ce que je sais.

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CHAPITRE 3

Un homme croit détenir la vérité avec d'autant plus d'assurance qu'il est médiocre. Je connais des gens d'une cinquantaine d'années, qui se disent universitaires, mais qui n'ont plus ouvert un livre concernant leur profession depuis des années.
Ils lisent les faits divers quotidiennement, recherchent dans les journaux du 1er avril la farce qui doit nécessairement s'y trouver, résolvent des rébus. Ce sont des gens qui ne regardent la télévision que pour se "divertir", qui ne lisent pas de livres parce que "c'est trop fatigant".

- L'univers ne leur appartient pas, Michel. Pourquoi te dérangent-ils ? Laisse-les faire ce qu'ils veulent, après tout.

- Oui, Isabelle, mais nous sommes jugés continuellement par des gens comme cela.

- Qu'importe, me répondit-elle en haussant les épaules. Ce ne sont pas les bourgeois qui doivent t'empêcher de te laisser pousser cheveux et barbe. Tu es libre, et cette liberté doit te servir à épouser la vie. La vie est simple.
Le bonheur est fait de petites choses prises dans les instants qui passent. Il est fait du bruit d'une vague et du chant d'un oiseau qui se mêlent, d'une rencontre fortuite sur une plage déserte. Il est fait d'une lumière et d'une ombre. Il est fait de ces éléments que l'on juxtapose. J'aime le sang qui coule dans mes veines. J'aime mes désirs et mes plaisirs. J'aime l'enfance quand elle est encore tendre. J'aime tout ce qui passe et que je peux sentir, goûter, appréhender...

- Je te croyais très réservée et très classique, Isabelle !

- Oui, dit-elle, en apparence. Mais au fond de moi il n'y a que noeuds qui se font et se défont. Je me pose aussi des questions, mais je ne veux pas, comme toi, me laisser submerger par le doute. Je ne pense à des choses sérieuses que de temps en temps, puis j'oublie, en aimant la vie . La richesse s'est toujours servie de la pauvreté. Les classes dirigeantes ont toujours exploité leurs sujets. Cela ne sert à rien, Michel, de te tourmenter pour les Indiens qui meurent, tu n'y peux rien. Cela a toujours existé et existera toujours.

 

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CHAPITRE 3

- Je sais, dis-je, mais je suis comme cela; qu'y puis-je ?

- Tu ne devrais plus voyager. Tu devrais te reposer sur les plages ensoleillées de la Méditerranée. Les voyages entretiennent en toi des drames. Regarde. Moi, je vais au Kenya, mais je ne veux y voir que des choses souriantes et gaies. J'y vais pour observer les animaux, admirer les parcs. Cela ne me viendrait jamais à l'esprit d'aller visiter les taudis de Nairobi ou les régions sous-alimentées de la Tanzanie. A quoi cela servirait-il ?

- Je ne peux pas aller dans un pays, Isabelle, et en ignorer certains aspects. J'essaie de voir les contrées que je visite sous leurs différentes facettes.

L'hôtesse nous apporta notre repas sur un plateau signé de la Pan International. Le menu était composé d'un assortiment de quatre viandes froides, de quelques biscuits et d'un peu de fromage. A ma deuxième tranche de saucisson, je cassai ma fourchette et rattrapai, au vol, ma tasse encore vide.

- Tu as trop de force, me dit Isabelle en riant, le régime t'affaiblira. Heureusement que le café n'était pas servi. J'aurais été très fâchée, tu sais, me dit-elle, en se moquant.

Le repas terminé, l'hôtesse nous apporta du café. Isabelle alluma une cigarette et je fis de même. Le bruit des réacteurs était régulier, très doux.

Devant nous, un Allemand accompagnait une jeune femme. Il me demanda en français si je n'avais pas du feu, après m'avoir proposé une cigarette, par politesse. Je lui donnai ma boîte d'allumettes.
- Vous pouvez la garder, dis-je, j'en ai une autre.
- Merci, me répondit-il, Dieu vous le rendra au centuple !
- Vous êtes étudiant, lui demandai-je ?

Il nous regardait entre les deux sièges.

 

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CHAPITRE 3

- Oui, en architecture, me dit-il.
- Vous êtes de Munich ?
- Non, de Berlin. Etes-vous déjà allé à Berlin ?
- Pas encore. Vous êtes de Berlin-Est ?

Je pensais à une ville étouffée, coupée en deux par un haut mur de béton armé, avec des tours de guet tous les cent mètres. Je pensais à des rondes nocturnes de policiers accompagnés de chiens bergers. Je pensais à des sentinelles et à des projecteurs fouillant la nuit, inlassablement. Je pensais à tout ce que j'avais lu sur Berlin.

- Non, de Berlin-Ouest. Berlin-Ouest est la plus belle ville du monde, me dit-il, d'un ton enthousiaste. On a de très beaux musées. On y est libre. La liberté y a un tout autre prix qu'ailleurs.
- Vraiment ! dis-je, d'un air très interrogateur.
- Vous ne semblez pas me croire. Je vous expliquerai cela une autre fois. Si je vous faisais un exposé sur Berlin dans cette position, je risquerais un torticolis !

Il avait des cheveux noirs, en désordre, et un visage aux traits acérés, qui le rendaient très viril.

- Il n'est pas mal, me dit Isabelle de sa voix douce, en se penchant vers moi.

En effet, il était très mince, semblait grand et bien fait. Son pull rouge, sans manches, contrastait avec sa chemise chamarée ornée de grandes fleurs jaunes.

- Ces jeunes quand même, dis-je.
- Mais, Michel, ne l'es-tu plus ?
- J'ai basculé de l'autre côté de la barrière. Je suis rangé. Je suis entré dans le monde étriqué des affaires. Je sais, un mois d'avance, qui je vais rencontrer et à quelle heure. Mon téléphone sonne sans arrêt. Je l'ai d'ailleurs placé dans un des tiroirs de mon bureau. Quand je suis occupé à un travail urgent, je ferme le tiroir !

 

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CHAPITRE 3

- Tu ne cesseras pas de m'étonner. Tu es jeune et, quoi que tu en dises, tu as gardé l'esprit jeune, tu aimes l'aventure. L'important, ce n'est pas l'âge que nous avons, mais l'esprit qui nous anime. Tu sais, il y a des jeunes bourgeois comme il y a des hommes âgés très dynamiques et très ouverts aux idées nouvelles.

- Mais, que signifie "être jeune", Isabelle ?

- Etre jeune, c'est rester disponible dans un monde qui se fait et qui se cherche. C'est être prêt à accepter autre chose que ce que l'on sait déjà. Je crois que c'est avoir des principes, mais non des principes intangibles.

Etre jeune, c'est savoir vivre la vie avec originalité. Qu'en penses-tu, Michel ? Tu me laisses parler, tu ne dis rien.

- Etre jeune, pour moi, c'est partager une chambre dans un temple sikh de Bubaneswar, c'est accepter de dormir sur une table, dans une gare de Patna. Etre jeune, c'est pouvoir dire, écrire, faire de l'inutile. Tu sais, il y a quelques années, rien ne m'arrêtait. Je faisais tout cela. Aujourd'hui, je sens avec angoisse que ce n'est déjà plus la même chose. Je ne me sens plus aussi libre....
Etre jeune, pour moi, poursuivis-je, c'est passer trois nuits de suite dans un bus et traverser les Etats-Unis d'Est en Ouest...

- Non, dit-elle, ça, c'est être fou.

- Isabelle, pour moi, rester jeune, c'est préserver un peu de cette folie qui m'anime. C'est pouvoir l'étaler au grand jour en restant indifférent aux jugements des autres. Je sais que je suis un peu fou, on ne s'est pas privé de me le dire. La vérité est toujours un message que l'on préfère ignorer.

- Mais que peut t'apporter cette folie ?

- La folie, c'est le déséquilibre. Si tu poursuis ton chemin dans le sillage des autres, tu ne peux rien trouver d'extra-ordinaire, tu ne peux plus rien cueillir de neuf. Il faut entretenir en soi un déséquilibre permanent, cela nous permet d'échapper au quotidien.

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CHAPITRE 3

Elle me répondit d'une voix basse, en cherchant quelque peu ses mots :

- Pour moi, je te l'ai dit, être jeune, c'est se laisser vivre. Le bonheur est facile quand on reste simple. Il ne devient difficile à atteindre que dans la mesure où l'on veut aller le chercher trop loin...

Nous avions changé de sujet. Nous revenions à la notion du bonheur, comme si jeunesse et bonheur allaient de pair. Au fond, n'était-ce pas le cas ?

- Je ne veux pas d'un bonheur facile, Isabelle. Je veux aller le chercher là où il n'existe pas encore.
- Tu risques de ne pas le découvrir, me dit-elle. Tu risques de le manquer sans cesse alors qu'il est là, à portée de ta main. Cueilles le, au passage !

Je réfléchissais. Ce qu'elle disait était vrai, mais je ne pouvais l'accepter comme tel. C'est, je crois, une question de caractère. Il y a des êtres qu'un rien rend heureux. D'autres sont dans un état permanent de quête et cette quête fait souffrir. Je suis de ceux-là. Et je ne veux pas changer. Je me souviens qu'au cours de ma jeunesse, je ne me suis jamais senti satisfait. J'ai été tendu vers des buts qui, une fois atteints, m'ont toujours déçus.

Isabelle finissait la bière qu'on lui avait apportée. Je sirotais mon whisky en regardant l'étendue bleue qui s'étalait sous nos ailes. Nous allions arriver d'un moment à l'autre en vue de la côte africaine. Puis, ce serait la brève escale de Benghazi. Il ferait probablement très chaud en cette fin d'après-midi.

Je savais que les souvenirs d'enfance sont souvent merveilleux. Nous les conduisons par la main partout où nous allons. Nous les façonnons à notre guise et au gré de nos inspirations.

Quand nous sommes confrontés à ces souvenirs, il nous est souvent difficile d'accepter la différence entre le fruit de notre imagination et la réalité.

 

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CHAPITRE 3

J'allais poser le pied sur ce continent africain que je n'avais plus revu depuis ma tendre jeunesse.

Je dus m'endormir un moment. Quand je me réveillai, la tête d'Isabelle reposait sur mon épaule.

Une ligne brune, crénelée, très fine, appa-raissait au loin.

- Isabelle, dis-je.

Elle ne répondit pas. Ses cheveux noirs étaient défaits. Ses grandes lunettes solaires avaient glissé sur le bout de son nez. Sa poitrine se soulevait régulièrement.

 

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