- Et vous êtes restés amis ?
- Au Congo, oui, mais après mon départ, je n'ai
plus eu de ses nouvelles. Je l'ai rencontré une fois
à Bruxelles, par hasard dans un tram.
L'avion se cabra légèrement, puis toucha le
sol. Les lumières s'éteignirent quelques secondes.
Notre vol se termina par un long applaudissement des passagers.
- Michel, tu me raconteras encore tes histoires d'enfant
?
- Nous sommes arrivés, Isabelle. Notre rencontre entre
dans le domaine des souvenirs. Nous devons poursuivre notre
voyage. Nous devons vivre nos vies qui, je le crains, se séparent
ici.
Tu ne dois pas être triste. Rien ne vaut la peine d'une
larme, ni d'un tourment. Je te disais que les instants donnent
et reprennent. Nous allons vivre un instant qui reprend, qui
arrache, qui sépare, mais qu'importe, d'autres instants
te rendront ce que tu perdras ce soir. Du passé, il
faut savoir conserver la flamme, non la cendre. Je sais qu'il
y aura des jours où je penserai à toi, je sais
qu'il y aura des rêves que tu traverseras...
- Arrête. Je veux me séparer de toi sans larmes.
Lève-toi, nous devons quitter l'avion, les gens descendent.
Il faisait frais, le fond de l'air était même
froid. Une pluie fine tombait. Les gouttelettes rebondissaient
sur la passerelle de l'East African Airways. Les marches étaient
reliées les unes aux autres par un voile d'eau, drapant
cet escalier d'un tapis transparent.
Nous avions rejoint le bus. Nous étions l'un contre
l'autre. Ses cheveux, mouillés, pendaient tristement
entremêlés. Nous nous tenions à une des
poignées mobiles suspendues au plafond. Elle ne donnaient
pas une bonne prise.
Nous nous regardions. Je
sentais battre son coeur dans sa poitrine, un peu plus fort.
- Michel, je voudrais que tu me fasses une promesse !
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