En
une heure, toutes les formalités de douane et d'immigration
furent accomplies. Je me retrouvai dans un hall défraîchi,
les deux bretelles de mon sac à dos passées
à une épaule. D'une main, je tenais mon appareil
photographique, de l'autre un K-way.
Des groupes de tailles différentes s'étaient
constitués. Ils glissaient, fatigués, les uns
après les autres, vers l'extérieur. Ils emportaient
avec eux des bagages de toutes dimensions et de toutes couleurs.
Une dizaine de cars panoramiques zèbrés attendaient
leurs touristes, pour des safaris organisés. Isabelle,
emportée par un de ces groupes, me fit un dernier signe
de la main. Je me souvins de Francfort, du taxi...
Je regardai à gauche et à droite, en quête
de voyageurs solitaires éventuels. C'était pour
moi un moment dur, qu'il fallait vaincre.
Un de ces moments où l'on se sent très seul,
perdu. Un de ces moments où l'on se demande : "Grand
Dieu que suis-je venu faire dans cette galère ?".
Mais j'avais pris mon élan, je devais franchir l'obstacle.
On avait beau être le bienvenu à Nairobi, "Nairobi
Welcomes You", il fallait agir, non rester là,
les bras ballants, au centre de ce hall.
Ce soir, je n'avais pas envie de marchander le prix de mon
taxi, pas envie de rire non plus. Je sentais un poids peser
sur mes épaules. Je voulais rencontrer ce peuple Keynian,
mais à quoi bon, après tout ! Cela avait-il
un sens ?
Le doute m'envahissait.
Pourquoi devais-je partager la vie de l'habitant ? Isabelle
n'avait-elle pas raison de préférer "voyager"
en gardant ses distances ? J'allais manger du manioc et des
bananes, prendre des bus locaux, voire faire du stop le long
des chemins, comme les paumés ou les hippies des années
soixante. Pourquoi voulais-je faire de ce voyage une ballade
de romanichel, une quête en solitaire ?
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