Vous avez dit Banjul …
A l’instar du Lesotho, qui est enclavé dans l’Afrique du Sud, la Gambie, dans le Sénégal, l’est aussi, à une petite différence près, c’est que ce pays donne sur l’Atlantique, et possède quelques kilomètres de plage. C’est, a-t-on dit, une colonie anglaise oubliée… parce que l’Angleterre avait bien trop à faire avec sa « Grande Colonie » : l’Inde…
Vous êtes place Saint Marc à Venise… vous achetez un sachet de maïs… et, vous en jetez à deux ou trois pigeons qui vous sont sympathiques… que pensez-vous qu’il va se passer ?
Dans les pays que je visite, je n’achète jamais de sucreries pour les enfants.. Rien que des biscuits bien nourrissants. Je reviens de la Lamin Lodge, que j’ai été visiter, par curiosité, parce que la lodge est perdues dans des mangroves impénétrables. Trois enfants jouent dans la poussière. Avec quelques morceaux de bois et des boîtes de conserve. Je m’arrête et leur donne, à chacun, un paquet de biscuits. Quatre autres enfants arrivent en courant… et quelques autres par derrière… Je me prépare en découpant dans l’emballage d’autres portions à donner. Et puis dix autres bambins arrivent en suivant… mais comment vais-je faire ? Des mains se tendent déjà à l’intérieur de la voiture. Ils sont filles et garçons de tous âges, certains sachant tout juste marcher…. Plus loin, ce sont d’autres groupes qui s’approchent… foncent sur moi et fondent en moi. J’évalue le restant des biscuits à donner… trop tard ! Il est grand temps que je décampe… Je mets mon moteur en marche et mon petit quatre fois quatre est prêt pour passer dans les flaques ou entre elles, c’est encore mieux, en évitant d’arracher des mains ou d’écraser des pieds.
Sur la place Saint Marc les pigeons sont en tel nombre qu’il est impossible de les nourrir tous…
Je ne m’enfuis pas entre des flaques, que dis-je, entre des plaques d’eau, des baignoires tellement profondes que l’eau, couleur café au lait, vient lécher le bas de mon pare-brise, en remontant sur le capot du moteur. Les routes principales sont, parfois, asphaltées. Mais la moindre perpendiculaire est laissée à l’abandon le plus total. Des quartiers complets d’assez belles maisons sont inaccessibles car les voiries sont dans un état pitoyable voire tout simplement inexistantes.
J’attends le bac qui relie, à Banjul, la rive nord à la rive sud du fleuve Gambie (Le North et South Banks, comme ils disent). Une assez jolie fille scrute l’horizon. Je lui demande à quelle heure est l’arrivée du bac.. Pas d’horaire ! Un gardien ouvre la grille d’une salle d’attente à ceux qui le souhaitent. Après chaque entrée, le gardien referme la grille bien soigneusement avec un lourd cadenas. La sécurité n’est pas fort bien assurée aux abords du ferry, me dit le gardien … une autre version que j’entendrai est que c’est pour ne pas mélanger à l’entrée ceux qui paient le prix normal et ceux qui passent « pour rien » car ils font la navette tous les jours.
La fille, Seesay, me dit qu’elle va porter, de l’autre côté du fleuve, une lettre, et puis qu’elle revient à Banjul. Je parle un peu avec elle. 24 ans, de nombreuses sœurs et de nombreux frères, seulement trois années d’études après les primaires. Mais elle vient de terminer trois mois de cours privé en informatique. Elle me dit que les études, toutes les études, sont payantes. Et que cela coûte très cher… plus ou moins 25 euros par an… Mais la plupart des travailleurs en Gambie, quand ils ont du travail, gagnent moins que ce montant, mensuellement. Et si vous pensez que dans les familles il y a au moins six enfants… Je me suis fait confirmer ce chiffre bien des fois car je ne parvenais pas à vraiment le croire. Le prix d’un kilo de tomates est de un euro à un euro et quart ! Et ce prix m’a aussi été confirmé par de nombreux clients à la guest house où nous avons logé. Le prix des hôtels bons marchés est de plus ou moins 25 euros la nuit, voire cent et plus quand on veux monter dans la qualité. On retrouve ici un peu l’esprit hôtelier de l’île Maurice avec des chambres à 1000 euros la nuit ! Seesay m’explique qu’elle voudrait se marier. Mais quand je lui demande ce qu’elle fait pour…elle me répond qu’elle ne fait rien. Elle ne sort jamais, ne va pas sur internet, ne va pas danser, ne pratique aucun sport. Et je lui demande alors comment elle va s’y prendre. Elle me répond qu’elle attend le jour où sont père va lui proposer un mari. « Je suis la deuxième femme de mon mari, me dit fièrement une jeune femme, mais la préférée ». « Une femme doit avoir au moins un enfant tous les deux ans, me dit un homme ». Seesay n’a pas trouvé le bus qui va à son village. Son papa ne recevra donc pas la lettre attendue. Comme le marché ne vaut pas la peine que je m’y attarde, je reviens avec elle à Banjul.
La population croît de façon géométrique, si ce n’est exponentielle. Mais le gâteau à partager reste le même, et quand bien même il croitraît de façon arithmétique, ce serait au profit exclusif des quelques commerçants ou hommes politiques qui roulent en luxueuses quatre fois quatre aux vitres fumées. La Gambie vient en 144ème position sur 179 sur la liste officielle du produit intérieur brut par habitant. Je pense qu’il serait plus normal de la classer en 179eme position !
Villages isolés, sans eau courante, sans électricité. Grains broyés dans des pillons, production industrielle presque totalement inexistante. Gambie ! Maintes fois tu m’as fait penser à l’Ethiopie où j’ai été deux fois et à Madagascar où j’ai séjourné à cinq reprises depuis 2000. Il y a des peuples qui ont volonté de vaincre et qui bougent comme les Chinois et les Indiens, mais que deviendras-tu, toi ?
Même les cartes et les guides semblent ne pas fort s’intéresser à ton existence. Un des meilleurs exemples ce sont les tracés de la route. Pour aller à Georgetown, la route qui passe par le sud semble presque une autoroute alors que sur plus des trois quarts de son trajet elle est épouvantablement mauvaise, pleine de fosses et de bosses, d’ornières et de bancs d’eau. Tandis que la route renseignée comme un très fin fil rouge sur la rive nord et déconseillée pourtant elle est parfaitement asphalté et ses trois cents kilomètre peuvent se parcourir en quatre heures au plus avec un bon véhicule. Quant à Georgetown, ancienne capitale du pays n’en parlons pas, car on n’y trouve même pas un petit hôtel digne de ce nom. C’est un regroupement de cases en tôles ondulées rouillées et trouées comme j’en ai rarement vues.
Nous n’avons pas été dans les réserves ou nichent, parait-il, de merveilleux oiseaux, mais quand même sur quelques plages où, on nous avait prévenus, et nous voulions nous en rendre compte par nous-mêmes, des femmes européennes d’un âge très mûr, à la recherche d’un peu de tendresse, flirtent avec de jeunes et beau gambiens qui n’ont rien d’autre à faire pour gagner leur vie. Entre de généreux pourboires, et des salaires à 25 euros, s’ils les trouvent, ils n’ont pas d’autres choix.
Gambie, j’imagine que ton fleuve pourrait être, à l’instar du Nil, une source de richesse, car la terre qui te borde semble fertile. Mais si peu de tracteurs… Tant de femmes qui travaillent alors que tes hommes discutent sous les arbres à palabres…
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