- Tu voulais savoir, Isabelle.
Tu m'as posé une question, je t'ai répondu.
Même si demain tu me quittais, je ne regretterais jamais
de t'avoir dit la vérité. J'ai toujours cru
que mentir à un être qui m'aime relève
de la plus grande lâcheté.
- J'aurais préféré que tu mentes, tous
comptes faits, me dit-elle, d'un air triste.
- Je sais, Isabelle, dis-je. La vérité est
parfois plus cruelle à supporter, au moment même,
mais aurais-tu voulu que je te fasse des promesses insensées
?
Aurais-tu préféré que je t'esquisse un
univers immense dans lequel nous aurions pu nous perdre, nous
enivrer, alors que je suis prisonnier d'un passé que
je ne saurais renier, alors que mon univers est clos. Notre
réveil, le tien, le mien, n'en aurait été
que plus douloureux, tu sais ! Je n'ai même jamais osé
te dire que je t'aimais vraiment, car je ne sais plus où
j'en suis. Vivre, c'est choisir et choisir, c'est renoncer.
Si je m'étais donné à toi avec insouciance,
sourire aux lèvres, je suis sûr que tu ne me
l'aurais jamais pardonné.
- C'est vrai, Michel. Tu regrettes donc déjà
notre rencontre ?
- Non, Isabelle, ne crois surtout pas cela. J'ai toujours
été inquiet de ce qui m'arriverait un jour ou
l'autre, inquiet surtout de la voie que je prendrais, à
la croisée des chemins. A la croisée de tous
les chemins. Quand deux êtres n'ont plus la force de
s'aimer, ils vivent en danger. Même quand ils s'aiment,
ils vivent encore en danger.
Rien ne peut y faire. Dans la vie, il y a des moments où
l'on peut nouer au passé un avenir qui ne nous est
pas vraiment destiné.
Au loin, une porte battait dans le vent. Je réfléchissais.
Mes pensées allaient à la dérive. J'avais
le sentiment d'être un naufragé au plein coeur
de ma vie. Isabelle se blottissait contre moi. La présence
de son corps m'était amère à supporter.
Il m'aurait suffi de la prendre pour oublier. Peut-être
imaginais-je le drame là-même où la vie
voulait me conter la douceur de ces grands moments.
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