L'après-midi, nous
visitions la ville. Nous allâmes aussi au "German
Volunteer Service", changer notre argent; dans une agence
de voyage, demander les prix de location des véhicules;
au campus de l'université, visiter la bibliothèque
où Andréa travaillait. Bref, nous nous intéressions
à Kampala autant que nous le pouvions. Notre halte
dans cette ville me semblait longue, mais l'espoir de repartir
vers d'autres horizons, vers le Nord, se précisait.
Un soir, nous allâmes danser dans une boîte de
nuit sombre et bruyante. Jochen serra Andréa très
fort dans ses bras. Je dansai souvent avec Isabelle, et parfois
avec Sybille, par politesse. Vers la fin de la soirée,
ils parlèrent longuement politique, domaine dans lequel
je n'excellais pas.
Isabelle et moi ne nous mêlâmes que rarement
à ces propos tenus, soit en allemand, soit en anglais,
quand je leur faisais remarquer que nous ne pouvions les suivre.
Ce soir là, Isabelle se tint blottie contre moi, comme
un animal blessé. Elle but un gin fizz. Je sirotai
un whisky sec et sans glace qui se réchauffa vite dans
ma main.
Elle me parla des Etats-Unis, de ses études, d'un
de ses amis qu'elle avait plaisir à revoir quand elle
retournait passer des vacances chez sa grand-mère,
dans le Tennessee. Elle me parla d'un oncle, planteur de coton
dans le Mississipi, et de son père, banquier à
Omaha. Elle n'aborda pas le problème que nous avions
soulevé quelques jours plus tôt.
Je sentais qu'elle s'était un peu repliée sur
elle-même, à la façon des gastéropodes
qui, dès qu'on les blesse, rentrent dans leur coquille.
Isabelle, comme pour fuir ce qui lui importait vraiment, ne
cessa de me parler de son passé. Elle glissa sur la
surface de son enfance, comme un voilier sur l'océan.
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