- Je t'aime, un peu plus
qu'un peu, dis-je. Ne le lui avais-je pas déjà
dit ?
- Oui, un peu plus qu'un peu ou peut-être, un peu moins
que beaucoup.
- Que devrais-je faire pour que tu m'aimes vraiment ? me demanda-t-elle.
- C'est le grand secret de la vie, Isabelle ! Si je le savais...
ce qui relie deux êtres ne dépend pas de ce qu'ils
se disent, ni de ce qu'ils font l'un pour l'autre. Je voudrais
t'aimer d'un amour fou, éperdument fou, mais... il
y a ce mais ! Il y a ce qui nous sépare, ce à
quoi je me heurte et qui ne me permet pas d'entrer dans ta
vie en toute liberté. Il y a ce quelque chose qui me
retient enfermé en moi-même, cet obstacle que
j'aurais pu te cacher, mais qui n'aurait plus cessé
de croître en moi au fil des jours. Mais toi, Isabelle,
m'aimes-tu ? lui demandai-je.
- Je crois que je t'aime, Michel. Je n'ai cessé de
t'observer pendant ces derniers jours. Je me suis dit que
j'aurais aimé partager ta vie. Je te connais mal, je
ne sais pas qui tu es vraiment. L'essence des êtres
nous échappe toujours. Mais, après ce voyage,
tu resteras dans ma vie le Michel de Ngoro-Ngoro et de Moroto,
ce garçon sincère, en quête de vérité.
Je voudrais, ce soir, te remercier de cette sincérité.
Au fond, pourquoi m'as-tu laissé t'accompagner, Michel
?
- Pourquoi ? Je ne sais pas. Peut-être parce que je
me sentais très seul. Vraiment très seul. Dans
ce voyage, comme dans la vie.
J'allumai une cigarette pour prendre le temps de réfléchir.
Saurais-je un jour répondre à cette question
?
- Ton souvenir me suivra, continuai-je, il réapparaîtra
entre deux calculs ou deux rapports. Il restera en moi, prisonnier
du temps qui l'élargira. Il s'embellira avec les années.
Je l'idéaliserai. Tu sais, l'amour le plus fort est
celui qui ne se réalise que dans notre esprit. C'est
dans l'impasse que nous en découvrons la richesse.
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