On entendait le clapotis
des vagues sur les berges et le bruit des herbes que la brise
agitait. Je pris quelques photos d'arbres pleurant sur la
rivière, une photo d'Isabelle rejetant ses cheveux
noirs en arrière, puis je refermai mon appareil, me
sentant démuni devant cette nature sauvage, insaisissable.
Des photos ne pourraient jamais me faire revivre ces paysages.
Murchinson restera pour moi inoubliable.
Nous logeâmes à l'auberge de jeunesse. Jochen
m'éveilla à cinq heures et, laissant dormir
les filles, nous allâmes jusqu'à la rivière,
près de l'embarcadère. Quelques hippopotames
y faisaient leurs ablutions matinales. Leurs petites oreilles
pointaient hors de l'eau et de longs gargouillements suintaient
de leur museau qui émergeait à peine, provoquant
des cercles concentriques qui s'élargissaient avant
de disparaître. Quand une branche craquait sous nos
pieds, les têtes disparaissaient, pour réapparaître
un peu plus loin, quelques minutes plus tard.
Le soleil ne s'était pas encore levé, mais
le ciel était déjà illuminé de
lueurs orangées et violettes, semblant venir d'un gouffre
très profond, au-delà des arbres, dans lequel
un gigantesque bûcher se serait embrasé. Puis
il y eut une tache de sang presque ronde, qui monta à
travers les feuillages, très lentement, et qui flotta
sur l'horizon emprisonné de brume.
Je fumai une cigarette aux côtés de Jochen.
Cette journée, nous la vivrions davantage pour l'avoir
vue naître depuis cette berge. C'était comme
si nous nous étions partagés un trésor.
Nous décidâmes de rentrer à Kampala et
dépassâmes Nakasongola vers la fin de la matinée.
Andréa attendait notre retour. Jochen lui expliqua
notre périple dans ses menus détails. Isabelle
prit un bain bien mérité. J'écrivis quelques
cartes : une à ma secrétaire, une à mon
directeur et quelques autres encore à différents
amis que j'avais rencontrés au cours de mes voyages
précédents. A chacun d'eux, je rappelais une
aventure que nous avions partagée.
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