INTRODUCTION
Sur les traces de Karen Blixen... «
I had a farm in Africa … »
Le Kenya et la Tanzanie, c’est «
la grande Afrique ». Avec ses populations ancestrales
hautes en couleurs. Avec ses parcs et ses animaux qui hantent
nos imaginations.
Mais aussi et surtout avec ses milliers de
kilomètres de pistes poussiéreuses qui sillonnent
les paysages vastes et sauvages, parmi les plus beaux du monde.
Nous avons choisi le Kenya et la Tanzanie
pour tout cela mais aussi, peut-être, pour placer la
barre à une autre hauteur que beaucoup d’autres.
Et réussir.
Notre expédition a été
préparée pendant plus de dix-huit mois par l’ensemble
de ses participants.
Nous avons équipé deux camions
4 x 4 Mercedes Unimog et les avons envoyés par bateau,
en containers, jusqu’à Dar es Salam.
***
Les amis mécaniciens sont partis d’abord
pour réceptionner les véhicules.
Nous avons pu dire en voyant les camions
sortir de leurs « boîtes » : « Après
tous ces mois de préparation, nous voici enfin arrivés
sur le terrain de nos espérances… !!! »
Le rendez-vous avec l’équipe
était programmé début juillet.
9.000 km de pistes, de bosses et fosses.
Quatre boucles différentes de 15 jours chacune, pour
nous permettre d’apprécier des visages différents
de ces vastes pays, du lac Turkana au cratère du Ngorongoro,
de la côte à la grande dépression géologique
de Rift Valley.
Nous avons logé exclusivement sous
tente et fait nos repas nous-mêmes. Nous nous sommes
approvisionnés très souvent sur place. Pour
le reste, c’était des conserves.
Une devise sur notre bannière : «
Esprit scout de rigueur !!! »
Mais à quoi peut bien ressembler une
journée type d’une telle expédition ?
Voyons un extrait du « Journal de bord
d’un voyageur anonyme ».
Vers 3h00 :
Un bruit de bête sauvage au loin …
mais quelle bête et à quelle distance ? Il paraît
si proche ce bruit… Et cette pluie fine qui martèle,
presque silencieusement, nos tentes…
5h00 :
Il fait encore noir. Pendant la nuit, de
l’eau s’est infiltrée dans le coin de notre
tente. Une lampe de poche s’allume. Un nouveau cri d’animal,
lointain et sourd, blesse à nouveau le silence de la
nuit. Nous n’osons plus bouger. Nous sommes réconfortés
à la pensée de la dizaine de petites tentes
qui ceinturent les deux Unimog. Nous ne sommes pas seuls !
5h30 :
Une odeur de café ! Un de nos copains
est déjà levé. Dans l’obscurité
qui s’estompe à peine, la journée commence.
Levons-nous !
6h00 :
La plupart des tentes s’ouvrent. Nous
commençons à déjeuner, debout, car les
tabourets sont mouillés. Tous les matins le même
petit déjeuner, café – thé –
muesli et quelques fruits frais pour agrémenter
le mélange un peu sec.
8h30 :
Après avoir replié le camp
et rechargé les camions, ce qui prend chaque jour près
de deux heures, nous nous mettons en route.
Aujourd’hui, nous quittons la région
d’Arusha pour nous diriger vers le Ngorongoro.
Le goudron de la route est crevé en
de très nombreux endroits. Cela fait souffrir la suspension
des véhicules. Nous faisons de grands écarts
pour éviter les trous les plus profonds.
Bientôt le goudron finit. Serions-nous
arrivés à la porte de l’aventure ? Arrêt
pour savourer. Grand moment d’émotion !!!
Nous repartons et soulevons une longue chevelure
de poussière brun foncé qui s’effiloche
derrière nous. Et quand nous ralentissons, le vent
contraire rabat cette poussière sur nous ! Les camions
se suivent à longue distance. En cours de route nous
nous arrêtons à un petit marché pour acheter
des légumes. Nous distribuons quelques vêtements
à des enfants. L’infirmière de l’équipe
soigne la main brûlée d’un homme.
12h00 :
Arrêt. Nous déjeunons. Quelques
boîtes de poissons et de légumes feront l’affaire
! Mélange de saumon et de maïs. Aujourd’hui,
nous avons pu trouver du pain en cours de route. C’est
Byzance !
Chaque arrêt est l’occasion de
savourer les merveilleux paysages.
Nous sommes sur les flancs du Ngorongoro
en surplomb du lac Manyara. Le lac forme, loin en contrebas,
une auréole bleue, bordée de blanc. Un liseré
rose signale la présence de milliers de flamants. Plus
près de nous, un babouin convoite quelques vivres laissés
sans surveillance.
Notre longue et lente progression vers le
cratère nous invite à la bonne humeur.
13h30 :
Début de l’étape de l’après-midi.
Méchante tôle ondulée. Paquets énormes
de poussière soulevés. Halte pour photographier
un groupe de femmes. Nous offrons quelques biscuits, mais
c’était bien de l’argent qu’elles
auraient voulu.
Et puis la panne… Et le mécanicien
n’arrive que dans … quelques jours. Diagnostic
?
L’essence n’arrive plus ! Est-ce
le robinet qui relie les deux réservoirs ? Est-ce un
filtre encrassé ? Est-ce la membrane de la pompe ou
le carburateur ? Pendant ce temps, les copains photographiaient
des natures mortes ou font de la macro. Une amie a pris 40
films pour 35 jours…
Un boulon est desserré et le suceur
qui laisse passer l’air a désamorcé le
système. Un coup de clef et nous voilà repartis.
16h00 :
Arrivée aux portes du Ngorongoro.
Mauvaise nouvelle. Entrée 100 $ par camion et 6$ par
personne… par jour (à payer en US$). 60.000 BEF
pour les 5 jours !!!
Nous allons discuter ferme pendant toute
la soirée. Ils pourraient considérer que ce
ne sont que de « grosses voitures »… postposer
la date d’entrée… ne prendre en compte
qu’une partie du groupe… nous délivrer
un billet d’entrée sur papier libre (parce que
les billets officiels sont épuisés…)
17h30 :
Fin des négociations. Nous préférons
loger à une centaine de mètres de la case du
gardien du parc. Le repas du soir est composé de spaghetti
sauce tomate. Nous prenons un gosse au hasard que nous installons
debout sur un tabouret (il nous reste près d’un
demi m³ de vêtements à donner). Nous lui
enfilons un pantalon plus ou moins à sa taille et un
T shirt. Il réclame aussi une veste de sports d’hiver.
Au suivant … au suivant. Nous habillerons quelques familles
!
Le soir nous chantons. Les indigènes
applaudissent. Puis, ils chantent et c’est à
notre tour d’applaudir. Et puis nous dansons ensemble.
Fabuleuse soirée.
20h00 :
Les tentes se referment. L’altitude
a refroidi la température. Gèlerait-il ?
Nous apprécions le confort de nos
duvets.
Quelle belle journée ! Et les girafes
qui traversaient la route. Et ce groupe d’hyènes
qui s’acharnaient sur ce cadavre d’antilope…
Et cet enfant beau comme un dieu. Et ce coucher de soleil,
grand disque d’or suspendu dans un ciel de miel.
Et tout ceci, et tout cela…
© Christian de Bray
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