J'avais franchi
avec bonheur le passage du troisième millénaire
et, pour fêter cet événement,
j'avais pris rendez-vous avec une "jeune
dame" d'une grande beauté.
J'arrivai à Addis-Abeba
avec un jour de retard et j'étais un peu
inquiet. M'avait-elle attendu ? Je pris donc un
taxi pour le lieu de notre rendez-vous... Oui,
Lucy m'attendait encore !
Femme de quelque 3,2 millions
d'années, elle avait été
l'objet des spéculations anthropologiques
les plus folles. Elle confirmait la théorie
de l'Evolution de Darwin. En tant que chaînon
manquant, elle venait apporter la preuve que,
progressivement, le singe avait pu devenir Homme.
Cette courte introduction pour
rappeler que l'Ethiopie a une très longue
histoire, ... aussi longue que celle de l'Homme.
C'est aussi d'Ethiopie, croient certains, que
vinrent Gaspard, Melchior et Balthazar, apportant
à l'Enfant-Jésus des présents
aussi précieux que l'or, la myrrhe et l'encens.
Aujourd'hui encore, pendant la cérémonie
du café, on brûle cette résine
odoriférante. On rapporte d'ailleurs que
le café, justement, fut "découvert"
par hasard par un berger, non loin d'Addis-Abeba.
Il constata que ses chèvres devenaient
plus nerveuses après avoir brouté
des baies de caféiers.
J'avais décidé
de découvrir l'Ethiope en sept jours, en
parcourant principalement la "route historique"
(le nord).
Janvier est une période
propice à la visite du pays. C'est en effet
à la mi-janvier que se fête l'événement
religieux le plus important : la célèbre
fête de l'Epiphanie.
L'Ethiopie est un pays, grand
comme la France et l'Espagne réunies, qui
compte 60 millions d'habitants.
J'étais parti avec quelques
préjugés: les longues guerres qui
venaient juste de prendre fin, les calamités,
les famines, le banditisme, les conditions d'hygiène...
Ces images véhiculées par les médias
avaient-elles un réel fondement ?
Après 7 jours de routes
et de pistes, que vais-je retenir de ce pays fascinant,
vivant tantôt à l'époque de
la préhistoire (on moud encore le grain
à la main, entre deux pierres) , tantôt
au moyen-âge (les semences jetées
à la volée, le blé cueilli
à la main, transporté à dos
d'homme, puis foulé par les zébus,
pour séparer le grain de la paille), tantôt
encore, dans le troisième millénaire
(internet y faisant plus qu'une timide apparition).
J'ai rencontré partout
dans le pays des gens souriants et accueillants,
laborieux. Des meules de foin méticuleusement
disposées se dressent à perte de
vue. J'ai croisé des vaches cheminant en
troupeaux interminables, que notre véhicule
fendait, comme la proue d'un navire.
J'ai rencontré de fort
belles filles, très fières, aux
sourires étincelants, encore très
souvent vêtues de leurs habits traditionnels.
J'ai rencontré des enfants curieux, par
myriades.
J'ai rencontré des chrétiens
orthodoxes et des musulmans vivant en bonne entente.
Mais que de pauvreté sur
ces routes, ces pistes et ces chemins ! Que d'hommes,
de femmes et d'enfants qui espèrent des
jours meilleurs ...
J'ai croisé des milliers
d'êtres trop pauvres pour se payer un moyen
de transport, portant le fruit de leur dur labeur,
dès 5 heures du matin, jusqu'au marché,
distant parfois de plus de 30 km (6 heures de
marche !).
Le grand hôtel à
6.000 FB (ou plus) la nuit cotoie le petit bouge
à 60 FB.
En dehors du décalage
horaire "officiel" (GMT+3), les Ethiopiens
utilisent entre eux un système horaire
décalé de 6 heures. Donc, si vous
fixez un rendez-vous, vérifiez bien dans
quel système votre interlocuteur navigue
! Leur année compte 13 mois. Et ils ne
sont pas en 2001 ... mais en 1993 ! On parle là-bas
une langue vieille comme le monde, l'amaric.
Ils devraient rouler à
droite mais, au fond, cela a-t-il un sens si la
piste est meilleure à gauche ? Et que vaut
un feu vert ... lorsqu'il est définitivement
à l'arrêt ... sur le rouge? Dans
la plupart des villages, l'eau courante est inexistante,
de même que l'électricité,
bien sûr.
Et pourtant, ... Et pourtant
j'y retournerai encore et souvent. Parce que les
Ethiopiens sont extraordinairement accueillants
et chaleureux, parce que les paysages, s'étageant
entre le niveau de la mer et les sommets de 4.500
mètres, sont sillonnés de routes
offrant sans cesse des points de vues à
nuls autres pareils. C'est le pays qui offre généreusement
sa richesse à l'Egypte. Son limon est transporté
par le Nil sur des milliers de kilomètres,
à travers gorges et plaines. C'est le pays
qui, en offrant tant de lacs aux oiseaux, en fait
un paradis pour ornithologues. C'est le pays où
certaines populations vivent encore à l'état
totalement primitif, à l'instar des Himbas
de Namibie ou des Indiens de l'Orénoque.
Ethiopie, pays des reines et
des rois, pays des prêtres et des ermites,
pays de tant de jeunesse et d'espérance,
vous m'avez bouleversé.
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