Mali, j’aime
tes routes noires bordées de rouge latérite.
Ces terres qui, abreuvées trop rarement
de pluies tropicales, sèchent au premier
rayon de soleil.
Mali, j’aime tes flocons de
millet et de sorgo qui se balancent entre l’aridité
de la terre et la sécheresse du ciel.
Il n’y a pas de moisson, mais des épis
cueillis un par un, au fur et à mesure
que les grappes viennent à point.
Mali, j’aime les petites venelles
de Djenné, ville classée au Patrimoine
Mondial de l’Humanité, et sa mosquée
imposante.
Ses ruelles viennent du Moyen Age ou de la préhistoire.
L’égouttage n’existe pas, et
les foyers sont ouverts à tout un chacun.
Mali, j’aime ton long fleuve
tranquille, qui coule, immobile, entre tes rives
grouillantes de vie.
Mali, j’aime, chez tes
femmes, le coloris des boubous qui chatoient dans
la campagne.
Elles pillent le grain et dansent autour de leurs
mortiers.
Mali, j’aime tes cinq heures
et demie du matin…
… quand la nuit commence à disparaître
et la lueur à poindre
… quand la lumière l’emporte
sur les ombres
… quand dans les feuillages, milles oiseaux
s’égosillent et lancent dans le plus
grand désordre de petites notes stridentes,
mais mélodieuses.
Mali, j’aime tes nuits
tièdes au ventilateur ronronnant...
Mali, j’aime la pauvreté,
dont tu ne sortiras, peut-être, jamais.
J’aime aussi ce «jamais », parce
qu’il signifie « peut-être »….
Et tes baobabs…
Des bras difformes tendus vers le ciel, sans feuilles,
et d’énormes graines aux peaux douces
comme des peaux de souris qui pendent...
Comme des racines qui montent dans le ciel….
Comme des troncs qui descendent vers la terre….
Le monde est-il chez toi à l’envers
?
Je t’aime, Mali, pour tes
peuplades Dogons répandues tout le long
de la falaise de Bandiagara, dans la plaine et
sur les plateaux, mais surtout au pied de cette
longue dépression qui s’étend
de Bandiagara à Douentza.
J’aime tes peuplades débordant d’histoire
et de croyances.
Et de ton renard, ne m’en
as-tu pas parlé, dans l’ombre du
secret ?
Celui qui bouscule l’ordre
des choses et dévoile, par là, le
destin de tes peuplades et …de l’univers.
Etrange cosmogonie !.
La nuit venue, tes devins tracent
sur le sol, dans la poussière, des traits
qui se croisent tels le dessin d’une marelle.
Ils y mettent des arachides, y plantent de petits
bâtonnets, laissent s’approcher, la
nuit, le renard gourmand…
et concluent et racontent, le lendemain, le sort
à partir du désordre qu’il
laisse sur son passage.
Un peu
comme chez moi il en va de la ligne de la main…chez
les cartomanciennes….
Quand le soleil s’enfonce
dans l’horizon, et que je ne comprends rien
aux signes de tes devins, j’aime lire Marcel
Griaule qui interrogeait ton aveugle ancêtre
Ogotemmêli.
J’aime tes petits greniers,
aux chapeaux de paille posés en oblique,
tes cases à palabres, tes femmes qui partent,
au beau milieu de la nuit, pour les travaux collectifs…,
et qui reviennent, en chantonnant, quand le soleil
se lève.
J’aime les portes millénaires
de tes greniers et les ossements conservés
dans les secrètes falaises, à l’abri
de la pluie.
Falaises si hautes que l’on se demande par
quelle lévitation les morts sont arrivés
si haut.
…et
tes masques, tes danses, ta fête célébrée
tous les soixante ans, tes marchés colorés
où l’on vend des morceaux de poisson
séchés qui ressemblent à
s’y méprendre à du tabac à
chiquer, tes pistes qui éternisent le voyage,
tes interdits, tous ces enfants aînés
qui doivent
« assumer » leurs parents et leur
famille, ce ciel parfois si bleu, ces cochons
qui dorment dans des enclos de pierre…
…et
ces noix de cola qu’il faut garder humides
pour que tu les apprécies davantage, et
ces énormes troupeaux dont tu confies aux
Peuls l’existence, et tes nécropoles
posées à 70 mètres du ciel…
Et ces touristes si pressés
à t’étudier, et qui se voudraient
des ethnologues à l’instar de Margareth
Mead ?
Seras-tu protégé
d’Internet, des gratte-ciel, des sex-shops,
des cartes de crédit et des supermarchés
?
Quand je t’approche il
me semble que le « petit » devient
« grand » et que le « simple
» devient « mystère ».
De grâce, reste mystère
le plus longtemps possible…
Entre tes renards et mes cartomanciennes,
quelle différence ?
…les
racines du ciel sont dans la vie et la mort…
…chez
toi comme chez moi…
Tes pistes, tes paysages, ta
population ont éternisé mon voyage…
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