Christian de Bray

 
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& MALI 2004 . Voir les photos de ce voyage .

     
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Mali, j’aime tes routes noires bordées de rouge latérite.
Ces terres qui, abreuvées trop rarement de pluies tropicales, sèchent au premier rayon de soleil.

Mali, j’aime tes flocons de millet et de sorgo qui se balancent entre l’aridité de la terre et la sécheresse du ciel.
Il n’y a pas de moisson, mais des épis cueillis un par un, au fur et à mesure que les grappes viennent à point.

Mali, j’aime les petites venelles de Djenné, ville classée au Patrimoine Mondial de l’Humanité, et sa mosquée imposante.
Ses ruelles viennent du Moyen Age ou de la préhistoire.
L’égouttage n’existe pas, et les foyers sont ouverts à tout un chacun.

Mali, j’aime ton long fleuve tranquille, qui coule, immobile, entre tes rives grouillantes de vie.

Mali, j’aime, chez tes femmes, le coloris des boubous qui chatoient dans la campagne.
Elles pillent le grain et dansent autour de leurs mortiers.

Mali, j’aime tes cinq heures et demie du matin…
… quand la nuit commence à disparaître et la lueur à poindre
… quand la lumière l’emporte sur les ombres
… quand dans les feuillages, milles oiseaux s’égosillent et lancent dans le plus grand désordre de petites notes stridentes, mais mélodieuses.

Mali, j’aime tes nuits tièdes au ventilateur ronronnant...

Mali, j’aime la pauvreté, dont tu ne sortiras, peut-être, jamais.
J’aime aussi ce «jamais », parce qu’il signifie « peut-être »….

Et tes baobabs…
Des bras difformes tendus vers le ciel, sans feuilles, et d’énormes graines aux peaux douces comme des peaux de souris qui pendent...
Comme des racines qui montent dans le ciel….
Comme des troncs qui descendent vers la terre….
Le monde est-il chez toi à l’envers ?

Je t’aime, Mali, pour tes peuplades Dogons répandues tout le long de la falaise de Bandiagara, dans la plaine et sur les plateaux, mais surtout au pied de cette longue dépression qui s’étend de Bandiagara à Douentza.
J’aime tes peuplades débordant d’histoire et de croyances.

Et de ton renard, ne m’en as-tu pas parlé, dans l’ombre du secret ?

Celui qui bouscule l’ordre des choses et dévoile, par là, le destin de tes peuplades et …de l’univers.
Etrange cosmogonie !.

La nuit venue, tes devins tracent sur le sol, dans la poussière, des traits qui se croisent tels le dessin d’une marelle.
Ils y mettent des arachides, y plantent de petits bâtonnets, laissent s’approcher, la nuit, le renard gourmand…
et concluent et racontent, le lendemain, le sort à partir du désordre qu’il laisse sur son passage.

Un peu comme chez moi il en va de la ligne de la main…chez les cartomanciennes….

Quand le soleil s’enfonce dans l’horizon, et que je ne comprends rien aux signes de tes devins, j’aime lire Marcel Griaule qui interrogeait ton aveugle ancêtre Ogotemmêli.

J’aime tes petits greniers, aux chapeaux de paille posés en oblique, tes cases à palabres, tes femmes qui partent, au beau milieu de la nuit, pour les travaux collectifs…, et qui reviennent, en chantonnant, quand le soleil se lève.

J’aime les portes millénaires de tes greniers et les ossements conservés dans les secrètes falaises, à l’abri de la pluie.
Falaises si hautes que l’on se demande par quelle lévitation les morts sont arrivés si haut.

et tes masques, tes danses, ta fête célébrée tous les soixante ans, tes marchés colorés où l’on vend des morceaux de poisson séchés qui ressemblent à s’y méprendre à du tabac à chiquer, tes pistes qui éternisent le voyage, tes interdits, tous ces enfants aînés qui doivent
« assumer » leurs parents et leur famille, ce ciel parfois si bleu, ces cochons qui dorment dans des enclos de pierre…

et ces noix de cola qu’il faut garder humides pour que tu les apprécies davantage, et ces énormes troupeaux dont tu confies aux Peuls l’existence, et tes nécropoles posées à 70 mètres du ciel…

Et ces touristes si pressés à t’étudier, et qui se voudraient des ethnologues à l’instar de Margareth Mead ?

Seras-tu protégé d’Internet, des gratte-ciel, des sex-shops, des cartes de crédit et des supermarchés ?

Quand je t’approche il me semble que le « petit » devient « grand » et que le « simple » devient « mystère ».

De grâce, reste mystère le plus longtemps possible…

Entre tes renards et mes cartomanciennes, quelle différence ?

les racines du ciel sont dans la vie et la mort…

chez toi comme chez moi…

Tes pistes, tes paysages, ta population ont éternisé mon voyage…